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Interview de Thomas Jouveneaux

Thomas Jouveneaux, de Saveurs des Comptoirs, a accepté de répondre aux questions d’Espressologie. Voici les réponses du meilleur torréfacteur de France 2010.

Bonjour Thomas, tu as remporté le prix du meilleur torréfacteur de France 2010, peux-tu nous en dire plus sur ce concours ?

C’est un concours créé en 2010 par le Comité Français du Café. L’édition à laquelle j’ai participé était donc la première. Le concours a pour but de « certifier » les compétences des torréfacteurs qui s’y présentent.

Il comporte 4 épreuves :

  • La reconnaissance des cafés verts (reconnaître l’origine et certaines caractéristiques comme le grade ou le crible, pour une sélection de café verts présentés)
  • La dégustation à l’aveugle (reconnaître des cafés en dégustation à la tasse, selon leurs caractéristiques organoleptiques)
  • Le questionnaire de connaissance (une série de questions théoriques sur tous les aspects du métier – botanique, géographie, classification du café vert, commercialisation, torréfaction, préparation de tasses, entretien des machines…)
  • La torréfaction (obtenir un mélange équilibré en 1 heure en utilisant les cafés imposés par le jury)

L’intérêt est qu’il n’y a pas à proprement parlé de « gagnant », puisque tous les participants obtenant au moins 75 points sur 100 reçoivent le titre de Meilleur Torréfacteur.

C’est un peu le même principe que les Meilleurs Ouvriers de France. Il nous permet de nous positionner par rapport aux connaissances nécessaires et de valoriser notre métier aux yeux du grand public.

Cela fait maintenant 5 ans jour pour jour (Saveurs des Comptoirs est née en novembre 2006) que tu torréfies. As-tu évolué dans votre manière de faire ?

Oui et non. Il est certain qu’en 5 ans on apprend des choses. On découvre les spécificités de chaque café… Et de chaque client. Il faut adapter les niveaux de torréfaction, réduire un peu par ci, augmenter un peu par là…

De plus il faut continuer à travailler les mélanges pour les faire évoluer ou en créer d’autres. Et ça ce s’arrêtera pas tout de suite. J’ai encore beaucoup à apprendre sur le café et la torréfaction. Je puise auprès de tous les gens que je rencontre (professionnels ou non) et je fais évoluer mon produit pour le rendre meilleur chaque jour.

Ce qui n’a pas changé par contre, c’est le plaisir avec lequel je le fais. Chaque broche est comme la première. Voir le grain changer de couleur, gonfler, diffuser ses arômes et fumer à la sortie du tambour… C’est toujours un spectacle enthousiasmant, et toujours une satisfaction du travail bien fait. Je pense que c’est le même plaisir que doit avoir un boulanger, un chocolatier ou un cuisinier. Celui de transformer, ou plutôt de sublimer, un produit de qualité, afin d’offrir un peu d’évasion et de plaisir aux autres.

Parlons du caracoli du Cameroun de la coopérative OKU. Il semblerait que sa forme ovoïde implique des précautions particulières lors de la cuisson. Quel est ton point de vue sur sa torréfaction ?

Dès mes débuts, j’avais entendu dire que le caracoli était un café difficile à travailler. Certains professionnels du café sont parfois même déçus du rendu de ce café.

Sa spécificité réside dans le fait que la drupe ne contient qu’un grain au lieu des deux habituels. Cette « erreur de la nature »  a longtemps été considérée comme un défaut. Jusqu’à ce qu’on découvre que ces grains uniques avaient une concentration aromatique intéressante et que les plantations commencent à sélectionner des plants pour en produire à grande échelle.

A mes yeux, les caracoli tendent à intensifier la personnalité d’un terroir. Non pas qui le rendent meilleur, mais peut-être plus spécifique, plus typé.

Niveau torréfaction, il n’est pas évident à travailler. D’une part, sa taille plus petite, sa forme et sa densité le font réagir différemment à la cuisson. Obtenir une broche homogène avec des grains biens formés et cuits correctement à cœur nécessite un peu de doigté.

D’autant que par expérience, j’ai pu constaté personnellement une chose. Du fait de sa forme de petit ballon de rugby, il ne joue pas avec la lumière comme un grain traditionnel. Un caracoli présenté dans un bac paraît toujours un peu plus cuit qu’il ne l’est. Il faut anticiper ce phénomène et adapter ses critères à ce produit. Passé cette petite difficulté, il est possible d’obtenir de vrais crus très aromatiques.

Une dernière chose à destination des baristas (professionnels ou amateurs). La forme spécifique du caracoli peut perturber vos moulins. Il faut la plupart du temps revoir ses réglages de mouture et surveiller que le grain de sature pas le broyeur (surtout dans des meules coniques).

kj

Interview de Stéphane Cataldi

Stéphane Cataldi, de Caffè Cataldi, a accepté de répondre aux questions d’Espressologie. Voici les réponses du meilleur torréfacteur de France 2010.

 
Bonjour Stéphane, quels sont tes critères de sélection de cafés ?

Bonjour Sébastien. En fait, il n’y a pas vraiment de critères. J’aime bien regarder la tête des grains verts mais j’ai vite appris que la relation entre la beauté d’un grain et la qualité de la tasse n’est pas systématique.

Par exemple, le Gidaamii de l’an dernier était affreux à voir, aussi bien vert que torréfié, et pourtant en tasse, il était magnifique.

L’important, c’est qu’ils soient de la récolte de l’année en cours, de les goûter à l’aveugle et de choisir les plus caractéristiques et les coups de cœur.

 
Peux-tu nous parler des cafés Cup of Excellence ?

Avant de parler Cup of Excellence, il faut bien comprendre ce qui va jouer sur la qualité d’un café :

  • La variété
  • Le terroir
  • Le climat
  • La récolte
  • Le séchage
  • Le conditionnement

C’est au fermier de choisir la variété qui va correspondre le mieux à son terroir et au climat, c’est aussi à lui que revient la responsabilité de cultiver au mieux son café et, après récolte, soit seul, soit avec l’aide du groupement qui gère le post traitement du café (séchage), c’est encore à lui de proposer un café sans défaut.

Bien entendu, à chaque étape, il peut rencontrer un problème et il rencontrera forcément des problèmes. Il a donc 2 choix :

– Proposer un café avec les défauts issus des problèmes non résolus

– Travailler à corriger ces défauts

Malheureusement, bien souvent, le prix payé pour le café vert n’incite pas à l’effort. Il faut donc trouver une solution pour encourager les fermiers à aller vers plus de qualité et récompenser les passionnés qui produisent les meilleurs cafés d’une région donnée.

C’est là, qu’intervient le « Cup of Excellence ». Le but est d’organiser, par pays producteur, un concours, ouvert à tous, qui permet d’identifier les meilleures fermes du pays.

Chaque fermier peut présenter son lot. Un jury, d’abord national, présélectionne les lots, puis international, se réunit pour goûter les lots de manière très stricte et à l’aveugle. Sur une échelle de 100 points, les cafés doivent obtenir au minimum 84 pts. Si trop de lots valident cette limite, seuls les 60 meilleurs sont retenus. Les cafés sélectionnés sont tous dégustés plusieurs fois, et à chaque passage, plusieurs tasses d’un même café sont testées. Si pendant ces sessions, il est trouvé un défaut net dans une tasse (les grains pourris ou mal séchés vont donner un goût très distinct lorsqu’ils sont dégustés), le café est éliminé.

La meilleure et la moins bonne note d’un café sont supprimées de la moyenne. Les lots obtiennent alors leur classement définitif, sont mis en conditionnement sous vide et attendent les enchères.

Lorsque l’on voit la méthode de sélection et que l’on se rapporte à ce que je décris sur le travail d’un fermier, on imagine avec quelle minutie ces lots doivent être préparés.

Tous ces lots sont ensuite vendus aux enchères aux membres du Cup of Excellence : Torréfacteurs, groupes de torréfacteurs et importateurs.

Résultat ? Le kg de café est payé de 2,5 fois à plusieurs dizaines de fois le prix standard.

Mais au delà du prix, c’est un vrai cercle vertueux qui est mis en place. D’une part, cela permet de mettre en lumière des terroirs parfois méconnus et d’attirer aux alentours des torréfacteurs et importateurs intéressés par la qualité et donc de vendre plus cher les lots provenant de cette zone.

Et d’autre part, cela permet aux cultivateurs de rencontrer d’autres professionnels, de mieux s’équiper et d’améliorer encore leur qualité.

Enfin, pour un torréfacteur, ces cafés sont un vrai plaisir. Le rapport qualité/prix est extraordinaire. Quasi systématiquement, lorsque je goûte un nouveau lot de CoE, je me demande pourquoi je ne distribue pas uniquement ces cafés là… Mais en même temps, je pense qu’il est bon que cela reste des cafés exceptionnels, dans tous les sens du terme.

 

Au delà du degré de torréfaction, existe-t-il plusieurs manières de torréfier, plusieurs écoles ?

A chaque fois que j’ai l’occasion de discuter avec d’autres torréfacteurs, je me rends compte que chacun a ses techniques.

Et, en fait, quand on y réfléchit, c’est très logique.

Premièrement, il existe plusieurs types de torréfacteurs (les machines) et au sein d’une même famille, la façon dont l’énergie est amenée au grain peut être différente. Donc quelqu’un qui torréfie avec un torréfacteur à « lit fluide » ne torréfiera pas comme avec un torréfacteur à tambour.

De plus, comme je le disais, dans une même famille de machines, les repères disponibles peuvent varier, donc l’utilisateur sera plutôt poussé à être attentif, visuellement, auditivement ou olfactivement et à adapter son style de torréfaction aux retours que la machine lui fournit.

Au niveau de la tasse, cependant, les différences, surtout sur les torréfacteurs pro, restent subtiles. L’important reste de prendre du grain de qualité et de le torréfier correctement.

 
Es-tu de ceux qui pensent qu’il faut adapter sa torréfaction à la méthode d’extraction ?

Non, je considère qu’il faut adapter la torréfaction au café et non à l’extraction. Certains vont être meilleurs mis sous pression, d’autres extraits en méthode douce, d’autres encore superbes dans les deux cas.

Mais chacun fait comme il l’entend 🙂


Stéphane utilise un Probatino 1,2 kg au gaz et un Lauzanne 10 kg des années 50

Lien utile : Dégustation du Sidamo Shakiso de Caffè Cataldi